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Site du Domaine départemental du Château d'O

Le Grand bassin de Saint-Ferréol

En 1736, lorsqu’il acquiert la métairie de Massane, Charles-Gabriel Le Blanc connaît l’existence de la source qui y coule en permanence. Il projette d’utiliser cette eau pour mieux répondre aux besoins de son domaine de Puech Villa. Utilisant la pente de la colline, il fait aménager un réseau hydraulique tout à fait ingénieux. L’eau est amenée en droite ligne depuis la source jusqu’à un premier réservoir appelé le « bassin de l’Ecossais » (aujourd’hui entièrement en ruine) par un aqueduc souterrain en pierre.

Ce dernier reçoit également les eaux de ruissellement de plusieurs fossés et de plusieurs petits bassins creusés le long de la route de Grabels. Il se déverse dans un deuxième réservoir, beaucoup plus grand, grâce à un conduit qui traverse le sous-sol de la grande allée. Ce grand bassin, creusé dans l’ancienne fosse à argile de la tuilerie de Saporta, est appelé le « Bassin de Saint-Ferréol », du nom du grand réservoir du Canal du Midi. Riquet, qui fut également fermier des gabelles, a peut-être inspiré Le Blanc.

Le grand bassin ou bassin de Saint-Ferréol (XVIIIe siècle), C. Cordier, CD 34

Ce réservoir distribue l’eau en abondance dans tout le jardin, permet d’arroser les cultures et alimente bassins, fontaines et nappes d’eau. Au XVIIIe siècle, il était orné de sculptures : deux lions et deux allégories de l’eau, une figure féminine et une figure masculine, représentant la Mosson et le Lez, ou évoquant le partage des eaux de la Méditerranée et de l’Océan. Elles sont également déposées dans le hangar.

Sculptures entourant le grand bassin, CD 34

Le Blanc meurt en 1750. Deux ans plus tard, sa veuve vend Puech Villa à un avocat de Montpellier, Etienne Duranty. En 1762, Jean-Emmanuel Guignard de Saint-Priest, Intendant de la Province de Languedoc, se porte acquéreur du domaine qui a subi un bouleversement important : il est désormais traversé par l’aqueduc de Saint-Clément. Long de 14 kilomètres, l’ouvrage construit par l’ingénieur hydraulicien Pitot alimente la ville de Montpellier en eau potable depuis la source de Saint-Clément en amont du Lez. En 1774, la construction du château d’Eau, sur la place du Peyrou, termine les travaux d’adduction.

La mise en place de l’aqueduc, qui traverse le sous-sol de Puech Villa d’est en ouest, a partiellement diminué le débit du grand bassin. En compensation du préjudice subi et préférant être remboursé en nature, l’Intendant use de son autorité pour faire établir une prise sur la canalisation publique, prélevant ainsi une partie de l’eau de la ville à son profit. Le Maire de Montpellier, Antoine Cambacérès, tente en vain de l’en empêcher : Saint-Priest le fait révoquer en 1778 et continue de détourner un important volume d’eau pour l’usage de sa propriété. C’est à cette époque que le domaine de Puech Villa prend le nom de Château d’Eau. Après un long procès avec la ville, Saint-Priest obtiendra de la nouvelle municipalité l’octroi légitime de quatre pouces hydrauliques (52 litres par minute). Il meurt la même année (1785). Son fils, lui-même Intendant du Languedoc, revendra la propriété quatre ans plus tard.

L’aqueduc de Saint-Clément au lieu-dit Font d’Aurelle (actuelle rue de La Croix de Lavit), dessin de Jean-Marie Amelin, XIXe siècle, Médiathèque Émile Zola, Montpellier

Au cours du XIXe siècle, faute d’entretien, les jardins se dégradent et perdent peu à peu le bel ordonnancement du siècle précédent. Le potager et le verger disparaissent au profit de la vigne et la garrigue gagne de plus en plus de terrain. Les vingt hectares de terres agricoles du domaine sont plantés majoritairement en vigne, quelques oliviers et amandiers complètent l’ensemble. Lorsque l’évêque de Montpellier, Marie-Nicolas Fournier, achète la campagne de Château d’Eau en 1821, elle est décrite comme verdoyante et ombragée. Les platanes et les cyprès, ainsi que les chênes verts et les pins, représentent les espèces dominantes du parc surtout dans la partie nord qui devient peu à peu un véritable « parc à l’anglaise » selon la dénomination de l’époque. L’eau coule toujours en abondance et continue de remplir le grand bassin, suffisamment pour permettre au prélat de pratiquer le canotage. Il y perd même l’une de ses bagues en diamant, jamais retrouvée au dire de son biographe, bien qu’il ait fait vider plusieurs fois le bassin par ses gens ! À la mort de l’évêque, en 1834, le Grand Séminaire de Montpellier hérite du domaine qui est peu à peu laissé à l’abandon.

Le Banc dit de l’Evêque. Au-dessus du grand bassin, dans une sorte d’alcôve végétale formée de cyprès et adossée à un petit bois, un grand banc de pierre domine le paysage. Ce véritable belvédère, appelé « banc de l’Évêque » permettait du temps de son propriétaire une échappée visuelle jusqu’à la ville. L'Illustration, 21 mars 1925, sépia de Maurice de Lambert, 1924. Médiathèque Émile Zola, Montpellier

Tout autour du grand bassin et dans la partie supérieure du parc, la végétation indigène caractéristique de la garrigue montpelliéraine a reconquis l’espace et refermé le paysage. Les pinèdes du domaine abritent une strate arborée et une strate arbustive. La strate arborée est composée essentiellement de Pin d’Alep (Pinus halepensis) et de Chêne vert (Quercus ilex). La strate arbustive se compose quant à elle d’Arbousier (Arbustus unedo), de Laurier tin (Viburnum tinus), de Pistachier lentisque (Pistacia lentiscus), de Pistachier térébinthe (Pistacia terebinthus), de Romarin (Rosmarinus officinalis). Ces pinèdes sont entretenues le long des allées de cheminement une fois par an. Elles sont taillées durant la période printanière. Chaque année ou après un événement climatique, la strate arborée est inspectée afin d’identifier les branches qui peuvent présenter un danger.

Au début du XXe siècle, lorsque le Conseil général en devient propriétaire, le Château d’Eau est devenu le Château d’O. Le domaine est très dégradé : dans le parc, faute d’entretien, le système d’adduction d’eau ne fonctionne plus, les bassins et les fontaines sont pour la plupart en ruine et les statues se désagrègent au fil des intempéries. Seul le domaine viticole est exploité au bénéfice de l’Hôpital par un fermier qui loge dans les bâtiments agricoles. Séduits par la beauté des lieux, un groupe de personnalités montpelliéraines décide d’œuvrer à sa protection. C’est ainsi qu’en 1922, la Commission de surveillance de l’établissement de Font d’Aurelle obtient le classement du domaine en tant que monument historique, malgré l’état de délabrement du bâtiment. 

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La grande avenue du Château d'O. L'Illustration, 21 mars 1925, sépia de Maurice de Lambert, 1924. Médiathèque Émile Zola, Montpellier

Au début des années soixante-et-dix, grâce à la décision du Préfet et à l’action de l’Assemblée départementale qui a toujours manifesté un intérêt majeur pour la sauvegarde et la protection du patrimoine départemental, le Château d’O, malgré ses vicissitudes, a retrouvé les qualités qui le placent parmi les plus belles résidences des alentours de Montpellier. Véritable oasis au sein du vignoble de la fin du XIXe siècle aux années 1960, le domaine est devenu depuis un « écrin de verdure » au milieu de l’urbanisme envahissant de la fin du XXe siècle.

Le château et le miroir d'eau, C. Cordier, CD 34

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